Au Foyer de SADT

 

 

 

 

 

 

La méthode SADT est une méthode d'analyse destinée à permettre à des ingénieurs d'élaborer les spécifications d'un système entièrement nouveau, c'est à dire un système que nul n'a  jamais vu.

Le problème est donc de rassembler suffisamment d'informations pour construire l'obscur objet du désir. Il faut par conséquent accumuler beaucoup plus de données qu'on n'en obtiendrait si on pouvait voir le dit objet pour de bon, puisqu'alors certaines parties éventuellement essentielles du système resteraient cachées aux spectateurs. Dans le cas d'un système principalement logiciel, la chose est encore bien plus épineuse, puisque le logiciel, comme on sait, ne se voit pas.

SADT constitue donc en quelque sorte, une méthode de vision étendue.

D'un point de vue procédural, la méthode SADT se fonde sur la pratique d'interviews et l'itération de cycles auteur-lecteurs au cours desquels, l'auteur (qui peut et le plus souvent doit être un collectif) :
- écrit ce qu'il croit savoir à un moment donné du système à construire,
- puis fait relire et critiquer son travail par les lecteurs,
- intègre ensuite ce qu'il a compris de leurs remarques dans une nouvelle version du texte,
et ainsi, jusqu'à ce que tous soient convaincus que l'essentiel a été dit.

SADT est donc aussi une méthode d'écriture collective.

Si l'on additionne les deux caractéristiques de méthode de vision étendue et de méthode d'écriture collective, on voit que l'on n'est pas très loin de ce que les surréalistes on pu pratiquer en termes de jeux, graphiques ou textuels.

Du point de vue des principes mis en oeuvre, l'instigateur de la méthode explique dans la postface du livre de Michel Lissandre pourquoi l'approche utilisée "marche". Par "marche", il faut entendre "marche presque à tous coups" puisqu'en matière technique, rien n'est jamais sûr que la pratique n'ait concrètement prouvé.

L'inventeur de SADT explique que chacun des acteurs dans le cours de la mise en oeuvre de la méthode parle du système à élaborer selon son point de vue particulier, et que la procédure mise en jeu dans SADT finit par contraindre chacun de ces points de vues individuels à s'assembler de manière cohérente avec les autres points de vues en présence, de sorte que que le système finit par apparaître à tous les participants avec le degré de précision suffisant au point focal vers lequel finissent par converger toutes les visions.

On voit que cette méthode n'est pas non plus très éloignée de l'approche cubiste. Chaque point de vue singulier constribue ainsi à illuminer un des aspects - visuel ou pas - d'un objet non existant mais à naître, objet qui est à cet moment aussi virtuel que l'on voudra, puisqu'il reste non seulement à construire ou à simuler, mais à penser même.

A la fin du processus, l'objet désiré finit généralement par émerger d'une manière assez nette pour que chacun s'accorde à considérer que oui, c'est bien de cela qu'il s'agit. Le cela en question se trouvant alors suffisamment délimité pour finir par constituer la matière d'un engagement formel des parties en présence, autrement dit, dans le cadre du monde industriel, d'un contrat.

Ce qui s'est trouvé ainsi progressivement révélé, ce sont les différentes dimensions de l'objet, et c'est pourquoi j'ai parlé de méthode de vision étendue tout à l'heure.

Et quoique cela puisse éventuellement paraître "évident" à certains esprits peu curieux, il y a tout de même lieu de s'étonner un peu qu'une simple méthode puisse faire en quelque sorte "apparaître" un objet si entièrement et souvent si radicalement nouveau que nul ne sait même - à priori - s'il sera un jour possible de le construire.

Il en va en l'espèce et très exactement de la très surprenante puissance du langage humain dans le monde, puissance qui agit ici à un degré beaucoup plus profond et fondamental que la pourtant déraisonnable exactitude des mathématiques dont chacun cependant s'étonne si facilement, puisque ce qui est en question ici, c'est bien la création ex-nihilo d'un objet d'efficacité concrète et non pas simplement l'exactitude d'une abstraction ou d'une idée platonicienne.

D'un autre côté, il est amusant d'imaginer que si les participants étaient soudain rassemblés et transportés par exemple par le biais d'un peu de magie dans une pièce sombre aux abords d'un guéridon, on pourrait au fond songer qu'il cherchent à invoquer quelque esprit au moyen de méthodes spirites. Ou encore, et de manière plus adéquate sans doute, on ne peut s'empêcher de songer à ces aborigènes australiens qui se réunissent sous l'arbre dédié à cet effet pour rêver leurs enfants.

 

 

 

 

 


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