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Vivre au présent, c'est manquer le problème. Le présent
ne se pose pas de questions. Le présent est un sphynx, mais du projet
seul sourd l'énigme. Nul rébus à qui n'a d'abord jeté
devant lui sa ligne ou son filet.
Le présent ne filtre, ni ne cherche rien. Il trouve. Il trouve
absolument et sans cesse mais il ne sait pas quoi. Nulle ombre ne vient
ternir son jeu d'osselets de verre. Ce n'est pas certes que le nouveau
né soit sans griffes, mais que retiendraient-elles, puisqu'il est
tout et qu'en tout instant tout commence?
Le présent occupe, il occupe absolument. Il est le vase et la
limite où se résolvent et se suspendent tous les ressacs
du Réel, la goutte d'eau et l'étincelle d'un incessant dénouement,
le flot du monde qui s'échappe et la terre qui tarit et absorbe.
La spontanéité ne se meut pas, elle dort ou bien s'agite,
comme un enfant sans mémoire, autiste et enchaînée
au cycle
Forêt que "le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui".
Mais de quoi la forêt est-elle vierge, par quoi est-elle vivace
et d'où sourd tant de beauté ? Si rase que l'on veuille la
table, elle ne saurait jamais l'être que de quelquechose. |
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