A Marguerite Porete et quelques autres

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au large

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pensées vives et blanches
dont le mercure vient doucement corrompre l'or du temps
transparences anéanties des béguines
qui fluent au soleil cramoisi de l'Histoire
libres tant que défaille le pouvoir d'en rien dire

 

Pensées d'un très vieux rouge mêlées à ce sable qui tangue
semblables en leur rondeur lisse et noire à ces olives
d'où se dresse la fierté des algues au flot montant
Pensées blondes et pourtant d'où coule l'obsidienne
de cette nuit si chaude et tendre de l'être qui s'enfuit
électrisant nos ciels de silencieux orages

 

Le temps emplit nos coupes

 

Rien
hors boire cette fêlure fée
cette perte
et choyer au foyer de nos corps
le souffle et l'incendie de la conscience

 

Le roi des elfes glisse à la crête des vagues
sous la poudre des siècles luit la noirceur neuve de son regard
Dans la cendre le joyau mat de l'unité
dans l'évidence ténue des cendres
hors de tout doute
immédiat
vertige de certitude

 

Bref
l'un

que l'on ne saurait dire
Présent pourtant
caresse
à la peau comme à l'âme
inévitable
respiration de certitude

 

Présent
au coeur de vos fragments
présent
dans l'éclair même de la fracture
Inexpugnable

 

Et silence

 

Aussi cette clarté que vous prêtez aux choses
c'est bévue
et quoique multiplient ombres et spectres à l'écran
au fond des choses rien n'est sûr
hors de ce coeur battant de toute preuve

 

Lavez vos yeux, lisez le prisme
Il n'y a là
voyez
que l'eau de votre histoire,
narquoise qui secoue d'un beau rire
les hoquets de ces cystres où votre sang se perd

 

Confiez aux nuages vos rêveries d'espace1
et soufflez ces fumées
Plus jamais ne reverrez vos mères

 

Les retours ne sont lourds que d'absence
leurs poids sont faux
et leurs mesures mensonges

 

Rien qui revienne ne saurait être amour

 

 

      1"Nous avons appelé notre cage l'espace, et ses barreaux déjà ne nous contiennent plus"
                                                                                        Louis Aragon .
      La nuit de Moscou