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Nombrer, nommer |
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Nombrer, c'est nommer: un, deux, trois, quatre, ... Voici des noms... Voyez
comme ils sont beaux et abstraits.
Abstraits ? Peut-être pas tant que ça... L'écriture, elle, ne s'essouffle pas. Elle a su dire. Oui. Dire ce dont
l'oralité aurait quasi immanquablement bafouillé. Car il y a mieux que le nom, il y a mieux que l'écriture. Ou peut-être n'y a-t-il simplement là que le nom et l'écriture, mais alors sous un aspect auquel nous ne prêtons guère ordinairement attention. Il y a là, en tous cas, une recette, qui s'exprime par: Une autre façon d'écrire le nombre au dessus est
1090 Evidemment, ça ne marche pas à tous les coups... Par exemple, le nombre 12345678901234567890123456789012345678901234567890
requiert une recette plus élaborée du genre: L'art d'écrire une recette, est un art légèrement différent de l'art de
nommer, même si nommer est probablement plus compliqué que coller des étiquettes
sur des choses comme en témoigne le vers de Mallarmé: "Je dis une rose, et
aussitôt se lève l'absente de tous les bouquets" (en substance...) D'un autre côté, il y a des recettes dont on ne sait pas trop où elles
mènent : Le démocrate moderne, que l'on repère facilement
à l'usage immodéré qu'il fait de la
prudence et de la raison répondra probablement: "ça dépend..." Peut-être qu'assez peu de gens goûtent de ce genre de théatre. Mais c'est aussi qu'il y a beaucoup d'ennemis de la liberté et que parmi les autres, il s'en trouve un assez grand nombre qui manquent encore trop de présence d'esprit. Normalement, on obtient de cette manière un nombre un peu hasardeux, mais extrêmement lié aux circonstances - très historique, donc - en ce sens qu'on a peu de chances de retomber sur exactement le même si on recommence, encore que ce ne soit pas sûr. C'est le genre de recette agréable, qui donne une fois de la mayonnaise, la fois suivante un chameau, le lendemain un grain de sable, la semaine suivante un orage. Il existe beaucoup de nombres qui n'ont presque pas d'histoire. Ce ne sont pas les plus nombreux, mais ce sont les plus faciles. C'est pourquoi on a tendance à ne vouloir voir que ceux là. Et encore se contente-t-on d'un seul point de vue. Ainsi est-il dans l'essence des fractions d'être des nombres qui ne font pas beaucoup d'histoires. Par exemple, un tiers s'écrit gentiment 1/3.
D'un autre point de vue, 1/3 peut aussi s'écrire 0,3333333333333333333333333333333333333333333333... Ah! Que ces points de suspension sont donc pratiques ! D'un certain point de vue, ils disent tout ce qu'il y a à dire : "et ainsi
de suite..." Les points de suspension taisent donc tout de même un petit quelque chose... La mort, par exemple. On pourrait donc se fatiguer moins et écrire un tiers de la manière suivante: 0,3-> Des gens qui sont souvent payés pour ça disent que toutes les fractions
peuvent s'écrire de cette manière: En fait, comme on voit, le problème avec les fractions c'est qu'au bout d'un certain temps, elles se répètent à n'en plus finir. Les choses simples sont ainsi, elles lassent. Les fractions sont des choses simples. Mais regardez comme c'est étrange. On peut dire un tiers, avec des lettres - très peu de lettres. On peut dire 1/3 avec des chiffres - très très peu de chiffres. Et on peut dire 1/3 avec un nombre infini de chiffres comme on le fait en écrivant 0,3333333333333333333333333333333333333333333333... Un tiers, est un nom, tout comme "Durand" ou bien "Dupont". Quoi de plus simple. 1/3 raconte une histoire. Il y a là : la boulangère ("1"), le boulanger ("3") et ce qu'ils font ensemble, sur quoi chacun s'accord à biaiser ("/"). Car sur cela il n'est point convenable de s'étendre. Mais dont chacun sait bien qu'au bout du compte, il s'agit tout de même du petit mitron. Et le petit mitron, ce n'est pas rien. Dans cette histoire, l'infini passe en contrebande, cet infini que nous révèle le troisième nom: 0,3333333333333333333333333333333333333333333333... Et pourtant, on n'a rien dit de plus, ni de moins dans les 3 cas. On a dit "un tiers" et un point c'est tout. Regardez : le langage chevauche l'infini. |
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